Dans le contexte d'un programme d'exploration lunaire accéléré au niveau international, l'ESA s'est engagée dans plusieurs projets et programmes forts pour permettre à l'Europe de jouer un rôle à court et moyen terme. Et surtout d'être un partenaire indispensable. C'est notamment le cas avec l'atterrisseur lunaire polyvalent EL3, autonome et capable de transporter jusqu'à 1,7 tonne de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire, qui pourrait servir à la logistique des missions Artemis. C'est aussi le cas du projet LCNS (Lunar Communications and Navigation Services), dans le cadre de l'initiative Moonlight qui prévoit la création d'une « constellation de satellites lunaires commercialement viable pour fournir des services de télécommunications et de navigation pour les missions sur la Lune », nous explique Élodie Viau, directrice des Télécommunications et des Applications intégrées à l'Agence spatiale européenne (ESA).
Pour l'heure, « il s'agit d'une phase conceptuelle et nous avons lancé des études approfondies avec des consortiums industriels, déclare Élodie Viau, nous avons une idée précise de ce que nous voulons développer avec eux ». L'idée principale est de fournir un système ouvert accueillant toute une gamme de « services de communication et de navigation liés à l'exploration lunaire ». Ces services s'adresseraient aux « dizaines d'équipes internationales, institutionnelles et commerciales qui prévoient d'envoyer des missions sur la Lune, et envisagent une présence humaine permanente ». L'ESA a mis en compétition deux consortiums d'entreprise pour définir en détail la « prestation de services de télécommunications et de navigation pour les missions sur la Lune » : SSTL (Surrey Satellite Technology Ltd) sera à la tête du premier consortium et le second sera dirigé par Telespazio associé à Thales Alenia Space.
L'architecture de ce système n'est pas figée, tout comme le modèle d'exécution des services, et plusieurs scénarios sont à l'étude. L'idée qui semble faire consensus serait « le déploiement d'une constellation d'au moins trois satellites en orbite autour de la Lune sur une orbite qui n'a pas encore été définie ». À confirmer par les deux consortiums qui devront démontrer la faisabilité d'une telle infrastructure et une structure de financement viable pour fournir ces services.
L'idée de fournir une constellation des satellites lunaires et d'ouvrir un réseau de connectivité à tous les acteurs possibles présente plusieurs avantages majeurs. D'abord, souligne Élodie Viau, il a pour but de « réduire la complexité des futures missions individuelles afin qu'ils n'aient plus à embarquer leurs propres systèmes de communication et navigation quand ils veulent aller sur la Lune ». Ceci leur permet de significativement réduire les coûts de leurs missions et de se concentrer sur les éléments clés de leur business plan, en particulier par rapport aux instruments scientifiques ou aux cargaisons, optimisant ainsi chaque mission.
La Nasa a également dans ses projets un système similaire, et vraisemblablement les Chinois aussi, mais pour l'instant c'est l'Agence spatiale européenne qui a « pris le leadership et déclenché les premières études ». En finançant ce programme, le but de l'ESA est bien de fournir « un service commercial de communication et de navigation lunaire fiable, dédié et ouvert à tous » afin, en contrepartie, de mieux négocier des vols d'astronautes à destination de la Lune, que ce soit sur sa surface ou à bord du Gateway , la future station spatiale installée à proximité de la Lune (aussi appelée la Passerelle). Cela dit, si un de « nos partenaires décidait tout de même de se doter de sa propre infrastructure de communication et de navigation, l'ESA n'exclut pas que les satellites européens puissent s'inscrire dans un partenariat avec une autre constellation et système ».
Ce réseau pourrait être mis en service dès 2027, après le retour d'expérience du Lunar Pathfinder, un satellite de communication lunaire dont le lancement est prévu en 2024 et destiné à relayer les communications et les données des missions d'exploration du pôle Sud de la Lune. Ce satellite doit aussi réaliser une démonstration complète de navigation lunaire en orbite. Le satellite Lunar Pathfinder développé par SSTL Ltd et le module Esprit de Thales Alenia Space pour la Gateway lunaire, sont un bon appui pour « concevoir des systèmes commerciaux de communication et de navigation de Moonlight ».